Sur la lande...
Si tu as soif de grands espaces en harmonie avec le ciel, avec le soleil et le vent, si tu aimes la solitude et l'immensité, si tu veux vivre des heures de liberté, si tu veux oublier et t'enivrer d'errances et d'air pur, alors un jour d'été, choisis les hautes terres, les landes de bruyère.
Il te faudra marcher car ici la nature a repoussé les routes. Elles longent ces étendues mais sans les pénétrer. Ici, c'est le domaine des pâturages que seuls quelques sentiers parcourent. L'herbe n'est plus tendre et longue, elle devient fine et grêle. Plus de cultures, plus de hameaux vivants. Seules quelques jasseries souvent inhabitées inclinent au loin leurs toits : les Grands Chars, Les Pradoux , Jean-Marie , Garnier , ou bien Pégrol .Partout c'est la lande infinie où l'Ance naît à ses sources discrètes et mystérieuses: c'est un dernier morceau de terre où le temps a fait halte , un ilôt oublié depuis plusieurs siècles.
Dans cette nature originelle, tu deviens humble, modeste comme la barque dans l'océan. Ce qui compte, c'est l'horizon circulaire qui t'emprisonne dans cette immensité, ce sont les nuages qui moutonnent du côté de la Dore , c'est la solitude et la grandeur du site . Bientôt tu ne penseras plus à rien, tu vivras une sorte d'euphorie où le vide de l'espace entrera en toi, chassera tes pensées, t'envahira l'esprit. Tu seras en accord avec le bleu du ciel, avec la terre noire des sentiers, avec le silence qui s'ajoute au silence, embarqué sur un vaste bateau flottant dans l'espace pour remonter le temps vers un état premier , une vie pastorale que tu désireras parce qu'elle t'est inconnue. Tu pourras courir , chanter,crier, tu seras seul, tu seras libre.
Mais si le ciel s'assombrit au cours de ta dérive, si le paysage prend un aspect sinistre, ne fuis pas, flâne encore, le spectacle sera beau. Il faut voir Gourgon, Pierre sur Haute balayés par le vent qui lance dans le ciel son armée de nuages ; il faut voir le vent courir sur la lande , coucher l'herbe, la tordre, arracher quelques touffes, souffler dans le sentier, soulever la poussière , la faire tourbillonner ; il faut entendre le vent siffler,hurler et faire sa sarabande autour des pierres Basanes ; il faut humer le vent chargé du relent des moutons ; il faut le sentir plonger ses griffes dans tes cheveux, te souffler au visage, t'enlever ton habit de théâtre que les autres connaissent, te laisser nu, vrai , conscient de ta faiblesse, acceptant le terme de ta vie comme la fin du jour ou celle de l'été.
Francis